J.O. 62 du 14 mars 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2002-1192 du 17 décembre 2002 se prononçant sur un différend entre les sociétés Télé2 France SA et Orange France


NOR : ARTT0200745S



L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu la directive 97/33 /CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP) ;

Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion ;

Vu la communication de la Commission du 22 août 1998 relative à l'application des règles de concurrence aux accords d'accès dans le secteur des télécommunications ;

Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8 et R. 11-1 ;

Vu l'arrêté du 10 mai 1998 autorisant la société Télé2 France SA à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu l'arrêté du 18 juillet 2001 modifiant l'arrêté du 17 août 2000 autorisant la société France Télécom Mobiles SA à établir un réseau radioélectrique ouvert au public en vue de l'exploitation d'un service numérique paneuropéen GSM F1 fonctionnant dans les bandes des 900 MHz et des 1 800 MHz ;

Vu la décision no 2001-1206 du 14 décembre 2001 complétant la décision no 2001-750 du 25 juillet 2001 établissant pour 2002 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur un marché des télécommunications ;

Vu la décision no 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 portant règlement intérieur ;

Vu la demande de règlement d'un différend enregistrée à l'Autorité le 22 juillet 2002, présentée par la société Télé2 France SA, RCS Versailles no B 409 914 058, dont le siège social est situé 14, rue des Frères-Caudron, 78143 Vélizy, représentée par Mes Jean-Paul Tran Thiet et Sylvain Justier, avocats au barreau des Hauts-de-Seine, CMS bureau Francis Lefebvre, 1-3, villa Emile-Bergerat, 92522 Neuilly-sur-Seine Cedex ;

Le différend porte sur le refus opposé par la société Orange France à Télé2 France SA de conclure un accord de « Mobile Virtual Network Operator », c'est-à-dire d'opérateur mobile à réseau virtuel (ci-après MVNO).

Dans sa saisine, Télé2 France SA demande à l'Autorité :

A titre principal, de constater que :

- le refus de la société Orange France de conclure un accord de MVNO relevant de la catégorie des conventions d'interconnexion au sens des articles L. 32 et L. 34-8 du code des postes et télécommunications constitue un échec de négociations commerciales au sens de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications ;

- au titre de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications de faire droit à la demande de Télé2 France SA visant à la conclusion d'un accord de MVNO dans des conditions objectives, non discriminatoires, transparentes, et suivant une tarification orientée vers les coûts reflétant l'usage effectif de son réseau ;

- les conditions techniques et tarifaires proposées par la société Télé2 France SA dans la présente saisine remplissent les conditions énumérées ci-dessous.

A titre accessoire, de constater que :

- le refus de la société Orange France de conclure avec la société Télé2 France SA un accord de MVNO relevant d'une convention d'accès au sens de l'article 4, § 2, de la directive 97/33 /CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997, relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP), constitue un échec de négociations commerciales au sens de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications ;

- la société Orange France était tenue de faire droit à la demande de la société Télé2 France SA relative à la conclusion d'un accord de MVNO sur le fondement de l'article 4, § 2, de la directive précitée ;

- les conditions techniques et tarifaires proposées par la société Télé2 France SA dans la présente saisine revêtent un caractère équitable et doivent donc être respectées par Orange France.

En conséquence, l'Autorité décidera que la société Orange France devra conclure avec la société Télé2 France SA, dans un délai maximal d'un mois à compter de la notification de la décision de l'Autorité, un accord de MVNO conforme aux conditions techniques et financières proposées par la société Télé2 France SA dans la présente saisine.

Afin de permettre à Télé2 France SA de commercialiser de façon effective ses propres services de téléphonie mobile, Orange France devra également conclure avec Télé2 France SA, dans ce même délai, une convention d'interconnexion portant sur la terminaison des appels entre les abonnés itinérants de Télé2 France SA et d'Orange France. Cette convention d'interconnexion devra être conclue dans les mêmes conditions techniques et tarifaires que celles conclues par Orange France avec les sociétés SFR et Bouygues Telecom, à l'exception des charges de terminaison des appels qui devront donner lieu à facturation entre Télé2 France SA et Orange France.



1. Sur l'exposé des faits


Télé2 France SA rappelle les différentes phases de négociations avec Orange France qui ont abouti à la demande de règlement de différend. Dans ces conditions, Télé2 entend solliciter l'arbitrage de l'Autorité sur le fondement de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications pour régler le différend qui l'oppose à Orange France concernant le refus de cette dernière :

- de négocier de bonne foi la conclusion avec Télé2 d'un accord de MVNO ;

- et de faire droit à sa demande.


2. Sur la compétence de l'Autorité


Aux termes de l'article L. 36-8 de ce même code, Télé2 France SA estime que l'Autorité est compétente pour régler les différends résultant de l'échec de négociations commerciales ou d'un désaccord portant sur la conclusion de toute convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications fixe ou mobile.


2.1. Sur la nature du contrat de MVNO


Se fondant sur la définition de l'interconnexion prévue à l'article L. 32-9 du code des postes et télécommunications, Télé2 France SA considère, à titre principal, que le contrat de MVNO constitue une convention d'interconnexion et rappelle que cette analyse est partagée par plusieurs autorités réglementaires nationales d'autres Etats membres.

Toutefois, dans l'hypothèse où l'Autorité considérerait qu'un accord de MVNO ne relève pas de la catégorie des conventions d'interconnexion, Télé2 France SA soutient qu'un tel accord constitue une convention d'accès. En effet, Télé2 France SA estime qu'il ressort des dispositions de l'article 4, § 2, de la directive « interconnexion » qu'un accord de MVNO permettant à un opérateur d'utiliser le réseau d'opérateur mobile en vue de fournir ses propres services de téléphonie mobile constitue une convention d'accès au sens du droit communautaire.

Par conséquent, Télé2 France SA indique que le refus d'Orange France de poursuivre les négociations engagées et de conclure un accord de MVNO constitue, quelle que soit la qualification retenue par l'Autorité, un différend relevant, aux termes de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, de sa compétence.


2.2. Sur l'obligation pour Orange France

de faire droit à la demande de Télé2 France SA


Télé2 France SA estime qu'Orange France était tenue de faire droit à sa demande et de conclure un accord de MVNO, car un tel accord relève, selon Télé2 France SA, de la catégorie des conventions d'interconnexion ou d'accès, compte tenu de sa qualité d'opérateur exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications.

Sur le fait qu'Orange France exerce une influence significative sur le marché des télécommunications :

En se fondant sur la décision no 2001-1206 de l'Autorité en date du 14 décembre 2001, Télé2 France SA estime qu'en sa qualité d'opérateur exerçant une influence significative sur plusieurs marchés de télécommunications la société Orange France est obligée de répondre à sa demande.

A titre principal, sur les obligations incombant à Orange France en matière d'interconnexion :

En se fondant sur les III et IV de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications ainsi que sur l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, Télé2 France SA indique qu'Orange France doit faire droit aux demandes de Télé2 France SA pour conclure un accord de MVNO dans des conditions objectives, non discriminatoires, transparentes et orientées vers les coûts, reflétant l'usage effectif de son réseau par Télé2 France SA.

A titre subsidiaire, sur les obligations incombant à Orange France en matière d'accès :

Télé2 France SA précise que dans le cas où l'Autorité estimerait qu'un accord de MVNO ne relèverait pas de l'interconnexion, un tel accord constituerait une convention d'accès.

Se fondant sur l'article 4, § 2, de la directive « interconnexion », Télé2 France SA estime que les opérateurs exerçant une influence significative sur le marché de la téléphonie mobile sont tenus de répondre aux demandes raisonnables d'accès à leur réseau mobile. Dans ces conditions, Télé2 France SA considère que les conditions tarifaires de l'accord de MVNO dont elle sollicite la conclusion devront, pour être équitables au sens de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, être orientées vers les coûts reflétant l'usage effectif du réseau d'Orange France, compte tenu du caractère d'installation essentielle de celui-ci.


2.3. Sur les conditions techniques et tarifaires sollicitées

par Télé2 France SA pour la conclusion d'un contrat de MVNO


Sur les responsabilités respectives de Télé2 France SA et Orange France :

Selon Télé2 France SA, Orange France opérera le sous-réseau mobile et la partie sous-réseau fixe entre le client final et le (ou les) point(s) d'interconnexion avec le réseau de Télé2 France SA.

Les flux financiers associés seront :

- facturation des minutes entrantes et sortantes ;

- facturation des SMS entrants et sortants.

Télé2 France SA sera responsable :

- de la fourniture de modules SIM aux clients finals, le cas échéant, de terminaux compatibles avec le réseau Orange France ;

- de la terminaison des appels et des SMS émis par les modules SIM Télé2 à partir du point d'interconnexion avec Orange vers les téléphones fixes et mobiles français et internationaux ;

- de l'interconnexion avec les autres réseaux ouverts au public nationaux et internationaux permettant le transit des appels vers les numéros Télé2 Mobile collectés par les opérateurs tiers ;

- de la relation avec les clients finals : activation du service, facturation, résiliation ;

- de la stratégie, du marketing et de la définition des produits ;

- de la production de prévision de trafic.

Télé2 France SA percevra les revenus des appels et des SMS entrants et sortants auprès des clients finals et rémunérera Orange pour l'usage du réseau.

Sur les conditions techniques :

Télé2 France SA précise que les services fournis par Orange France seront des services par lesquels Télé2 France SA louera une capacité du réseau d'Orange France. Les services seront basés, en tant que de besoin, sur les principes d'itinérance internationaux et les standards GSM Phase 2 ;

Télé2 France SA indique, d'une part, que seule l'itinérance de ses abonnés itinérants sur le réseau d'Orange France sera prise en compte au titre du contrat de MVNO et, d'autre part, que les services seront fournis pour les numéros IMSI attribués à Télé2 France SA par l'Autorité, ainsi que pour les IMSI attribués, le cas échéant, aux autres sociétés affiliées du groupe Télé2 en Europe ;

Télé2 France SA sera responsable de la fourniture à ses abonnés itinérants d'un abonnement valide leur permettant de bénéficier de l'itinérance sur le réseau d'Orange France et sera responsable du contrôle de validité de cet abonnement.

Sur les services accessibles aux clients mobile de Télé2 France SA :

Télé2 France SA indique que les services accessibles aux clients de Télé2 France SA via le réseau d'Orange France seront en tout point identiques aux services offerts à ses propres clients.

Sur les interconnexions mises en place par Télé2 France SA et Orange France :

Télé2 France SA et Orange France devront mettre en place, d'une part, une ou plusieurs liaisons d'interconnexion de trafic de signalisation suivant le protocole MAP identiques à celles mises en place dans le cadre des services d'itinérance internationale, d'autre part, une ou plusieurs liaisons d'interconnexion sur le trafic usager pour écouler le trafic en provenance et à destination des abonnés Télé2 Mobile ;

Télé2 France SA indique qu'elle sera responsable du dimensionnement adéquat des capacités de transmission nécessaires entre ces deux réseaux.

Sur la qualité de service :

Télé2 France SA précise qu'Orange France devra garantir une qualité de service, en termes d'appels rejetés et d'appels interrompus subis par les abonnés itinérants de Télé2 France SA, identique à celle dont bénéficient les abonnés d'Orange à la condition que Télé2 France SA respecte les prévisions qu'elle communiquera à Orange.

Sur le routage des appels :

Télé2 France SA indique que les services seront fournis par Orange France sur la base des principes de routage de l'appel en fonction du numéro IMSI de l'appelant et que tous les appels et les SMS émis par les abonnés itinérants de Télé2 seront routés directement vers le réseau de Télé2, à l'exception des appels d'urgence au 112. Par ailleurs, Télé2, précise que tous les appels et les SMS à destination des abonnés itinérants transiteront par le réseau de Télé2 avant d'être livrés à Orange.

Sur les conditions tarifaires et les principes de tarifications :

Télé2 France SA demande à l'Autorité d'imposer à Orange France des conditions tarifaires orientées vers les coûts. Télé2 France SA estime que le coût marginal d'une minute de communication mobile est compris entre [...] (pour la partie de coût ici pertinente, c'est-à-dire entre le client final et le point d'interconnexion en sortie du PLMN, donc en excluant le coût de la terminaison d'appel vers le réseau destinataire).

Se fondant sur des études réalisées en Norvège et en France, Télé2 France SA estime que le prix par minute facturé par Orange France devra s'établir à [...]. Télé2 considère que ce montant correspond à une évaluation des coûts supportés par Orange à hauteur de [...] par minute après application d'un taux de rémunération du capital de 17 % tel que l'Autorité l'a fixé dans sa décision no 2001-1005.

Télé2 France SA précise que le prix des communications sera décompté seconde par seconde, dès la première seconde. Le prix par seconde sera calculé comme étant le prix par minute divisé par soixante.

Concernant le prix des services de voix, Télé2 France SA considère que le prix par minute pour les années 2002 et 2003 pour un appel à destination d'un abonné itinérant de Télé2 France SA (appel entrant MT) et pour un appel en provenance d'un abonné itinérant de Télé2 France SA (appel sortant MO) est de [...]. Les appels d'urgence seront gratuits.

Sur les prix des services support, Télé2 estime que les tarifs de ces services seront identiques aux tarifs des services voix.

Le prix des SMS entrant ou sortant pour les années 2002 et 2003 sera de [...].

Concernant l'évolution des prix, Télé2 France SA demande à Orange France de s'engager à négocier, chaque année au plus tard trois mois avant la date anniversaire du contrat de MVNO, les conditions de services, y compris les tarifs. Télé2 France SA précise qu'au cas où aucun accord n'est trouvé entre Orange France et Télé2 France SA dans le cadre de ces négociations, les tarifs et conditions définis pour l'année N restent inchangés pour l'année N + 1.

Vu la lettre de l'adjoint du chef du service juridique de l'Autorité en date du 26 juillet 2002 communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et le nom des rapporteurs ;

Vu les observations en défense enregistrées le 11 septembre 2002 présentées par la société Orange France, RCS Nanterre B 428 706 097, dont le siège social est situé 41-45, boulevard Romain-Rolland, 92120 Montrouge, représentée par M. Didier Quillot, directeur général, assistée de Me Christophe Clarenc du cabinet Latham & Watkins ;

A titre principal, Orange France soutient que la saisine déposée par la société Télé2 France SA est irrecevable et, en tout état de cause, que les demandes de Télé2 France SA sont infondées.

Dans ses observations en défense, Orange France, à titre liminaire, tient à montrer que le grief de Télé2 France SA sur le prétendu refus d'Orange France de négocier de bonne foi la conclusion d'un tel accord avec elle repose sur une présentation d'autant plus dénaturée et déloyale du contexte de leurs échanges que Télé2 France SA revendique aujourd'hui, après avoir elle-même reconnu et défendu lors des discussions le principe de complémentarité des services comme condition de l'existence même d'une possibilité de partenariat, le droit de disposer du réseau d'Orange France pour fournir, en tant qu'opérateur sur ce réseau, les mêmes services mobiles que ceux d'Orange France.

Orange France s'interroge sur les motifs véritables de Télé2 France SA dès lors que cette dernière a parallèlement engagé des négociations commerciales avec SFR et Bouygues Telecom pour la conclusion d'un partenariat MVNO et que ces négociations sont toujours en cours.

Orange France précise que Télé2 France SA souhaite bénéficier, sans le moindre investissement de déploiement de réseau et à un coût marginal théorique et non justifié, et sans aucune des obligations réglementaires attachées aux licences de téléphonie mobile, d'une meilleure couverture que chacun des trois opérateurs mobiles autorisés pour fournir des services directement concurrents de ceux que ces derniers fournissent.

Orange France demande à l'Autorité de rejeter les demandes de Télé2 France SA visant à imposer à Orange la conclusion de deux conventions, d'une part, la conclusion d'un accord de MVNO conforme aux conditions revendiquées, d'autre part, la conclusion d'une convention d'interconnexion portant sur la terminaison des appels entre les « abonnés itinérants » de Télé2 France SA et les abonnés d'Orange France.


A. - Sur la demande de Télé2 France SA

relative à la conclusion d'un accord de MVNO étendu


Orange demande à l'Autorité de rejeter la demande de Télé2 France SA aux motifs :

- à titre principal, qu'elle ne relève pas de l'article L. 36-8-I du code des postes et télécommunications ;

- à titre subsidiaire, dans son principe même, elle est incompatible, d'une part, avec le statut réglementaire actuel de Télé2 France SA, d'autre part, avec les dispositions de la licence GSM F1 détenue par Orange ;

- à titre très subsidiaire, elle n'est pas justifiée ;

- à titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause que les conditions techniques, tarifaires et contractuelles revendiquées par Télé2 France SA sont irrecevables outre leur caractère inéquitable.


I. - A titre principal, la demande de Télé2 France SA ne relève pas

de l'article L. 36-8-1 du code des postes et télécommunications


En premier lieu, Orange France soutient que les allégations de Télé2 France SA, qui affirme qu'un accord de MVNO permettant à un opérateur d'utiliser le réseau d'un opérateur mobile en vue de fournir son propre service téléphonique mobile au public devrait être considéré comme une convention d'interconnexion, sont parfaitement contestables au regard du droit positif.

En second lieu, Orange France, en se fondant sur les conclusions du rapport sur les MVNO de la Commission consultative des radiocommunications, estime que les accords de MVNO sont établis librement et ne peuvent donc, par définition, relever du régime de l'interconnexion ou de l'accès.

Enfin, Orange France soutient que si SFR s'est librement engagée à proposer une offre de MVNO dans le cadre de l'exploitation de son réseau 3 G et que cet engagement a été expressément converti dans sa licence 3 G sous la forme d'une obligation réglementaire de proposer une telle offre, c'est que la réglementation générale ne comportait et ne comporte toujours aucune obligation de négocier et de conclure des accords de MVNO. Dans ces conditions, Orange France estime que les accords de MVNO ne relèvent pas du régime de l'interconnexion ou de l'accès.

I-1. Les prestations de mise à disposition du réseau d'Orange France par Télé2 France SA au titre de l'accord de MVNO ne sont pas des prestations d'interconnexion ni des prestations d'accès.

En premier lieu, Orange France soutient que les prestations revendiquées par Télé2 France SA ne répondent absolument pas à la définition de l'objet des prestations d'interconnexion au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications. En effet, au sens de l'article L. 32-9 du code des postes et télécommunications, Orange France estime que l'interconnexion a pour objet de permettre et de garantir à tous les utilisateurs de communiquer librement entre eux, quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les services qu'ils utilisent. Or, selon Orange France, Télé2 France SA demande à Orange France des prestations qui ont pour finalité de fournir le service de téléphonie mobile à des clients qui ne seront plus des clients d'Orange France.

En outre, Orange France SA souligne que Télé2 France SA sait bien que l'accord de MVNO ne pourrait être qualifié d'interconnexion. En effet, Télé2 France SA demande, en plus de l'accord de MVNO, la conclusion d'une convention d'interconnexion pour la terminaison des appels entre ses « abonnés itinérants » et les abonnés d'Orange France. Orange France SA estime que ces contradictions ne font que trahir le caractère erroné et artificiel de la qualification d'interconnexion proposée par Télé2 France SA pour les besoins de sa cause contentieuse.

En second lieu, Orange France soutient, par ailleurs, que les prestations de MVNO revendiquées ne répondent pas plus à la définition des prestations d'accès au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications.

Selon Orange France, les demandes de Télé2 France SA de mise à disposition et d'utilisation du réseau GSM F1 d'Orange France sont liées à son objectif de fourniture de son propre service de téléphonie mobile. En effet, Orange France souligne que la qualification d'une demande d'accès spécial à un réseau ouvert au public, au regard du régime de l'interconnexion et de l'accès, doit être déterminée par rapport à la nature des services de télécommunications fournis ou envisagés par le demandeur.

Dans ces conditions, elle précise que, s'il s'agit :

- d'un service de téléphonie au public, au sens de l'article L. 32 (7°) du code des postes et télécommunications, le régime applicable est celui de l'interconnexion ;

- de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, au sens de l'article L. 34-2 du code des postes et télécommunications, le régime applicable est celui de l'accès.



En conséquence, Orange France considère que ces demandes ne sauraient relever du régime actuel de l'accès et constituer une demande d'accès spécial.

I-2. En s'appuyant sur la notion d'itinérance pour décrire les prestations MVNO, Télé2 France démontre le caractère artificiel des qualifications d'interconnexion ou d'accès spécial qu'elle invoque.

Orange France considère que par l'identification expresse entre « prestations de MVNO » et « prestations d'itinérance », Télé2 contredit totalement sa thèse selon laquelle l'accord de MVNO revendiqué aurait la nature d'un accord d'interconnexion ou d'accès spécial et souligne ainsi le caractère purement artificiel de cette thèse.

Orange France souligne que les seuls accords d'itinérance qui sont en vigueur aujourd'hui sont des accords d'itinérance internationale dont les modalités relèvent de la libre négociation commerciale. Dans ces conditions, elle estime qu'en assimilant les prestations de MVNO à des prestations d'itinérance, Télé2 France SA admet implicitement que sa demande ne relève pas de l'article L. 36-8-I.

En se fondant sur la définition de l'itinérance du cahier des charges des autorisations 3 G de SFR et d'Orange, Orange France estime que la prestation de MVNO ne peut pas être une prestation d'itinérance. En outre, Orange France précise que l'accord de MVNO revendiqué par Télé2 France SA n'aurait pas pour objet de permettre l'accueil sur le réseau d'Orange France des clients mobiles existants de Télé2 France SA, mais de permettre à Télé2 France SA de pouvoir acquérir des clients mobiles en devenant, grâce à l'accord de MVNO, un opérateur de radiocommunications mobiles.

I-3. Les prestations revendiquées au titre de l'accord MVNO s'apparentent à des prestations de dégroupage de la boucle locale radioélectrique.

Orange France considère que la demande de Télé2 France SA de location de capacités radioélectriques et d'utilisation du réseau d'Orange France pourrait s'apparenter à une demande de dégroupage de sa boucle locale radioélectrique. Or, Orange France souligne que l'accès à la boucle locale fait l'objet de dispositions spécifiques prévues par l'article D. 99-23 du code des postes et télécommunications et distinctes de celles relatives à l'interconnexion et à l'accès, et ne concernent que la partie métallique de la boucle locale d'un réseau fixe. Orange France considère que ces dispositions ne peuvent fonder la compétence de l'Autorité au titre de l'article L. 36-8 dans la mesure où elles ne concernent que le dégroupage de la boucle locale fixe.

Orange France estime que de telles obligations de dégroupage, exceptionnelles au regard du droit commun, ne sauraient être imposées et organisées dans le domaine des réseaux de téléphonie mobile sans un texte exprès à cet effet, comme cela a été fait dans le domaine des réseaux de téléphonie fixe dans un contexte concurrentiel et technique tout à fait différent.

En conclusion, à titre principal, Orange France demande à l'Autorité de constater et dire :

- que l'accord de MVNO revendiqué par Télé2 France SA, compte tenu de son objet et de la nature des prestations qu'elle envisage, n'est pas un accord d'interconnexion ou d'accès spécial au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications ;

- que l'échec des discussions entre Télé2 France SA et Orange France sur l'intérêt éventuel de l'accord de MVNO proposé par Télé2 France SA ne saurait être regardé comme un désaccord ou un échec de négociations sur la conclusion d'une convention d'interconnexion ou d'une convention d'accès spécial au sens de l'article L. 36-8-I du code des postes et télécommunications ;

- pour ces motifs, que l'Autorité n'est pas compétente, au titre de l'article L. 36-8-I du code des postes et télécommunications, pour trancher le litige qui lui a été soumis par Télé2 France SA.

II. - A titre subsidiaire, sur l'incompatibilité de la demande de Télé2 France SA, d'une part, avec son statut réglementaire actuel, d'autre part, avec les termes de la licence GSM F1 d'Orange

Orange France considère que l'Autorité devra constater que la demande de Télé2 France SA est, dans son principe même, incompatible, d'une part, avec son statut réglementaire actuel d'opérateur de téléphonie fixe, d'autre part, avec le cahier des charges de la licence GSM F1 d'Orange.

II-1. La demande de Télé2 France SA est incompatible avec son statut actuel d'opérateur de téléphonie fixe.

Orange France souligne que Télé2 France SA méconnaît la distinction réglementaire existante, au sein de la catégorie des services de téléphonie au public, entre les services de téléphonie fixe, d'une part, et les services de téléphonie mobile, d'autre part, et incidemment, la différence de régime entre ces deux types de service. Orange France précise que cette distinction existe dans la réglementation communautaire et dans la réglementation française à l'article L. 34-3 du code des postes et télécommunications.

Orange France considère que la notion de service téléphonique au public recouvre les services de téléphonie fixe, d'une part, et les services de téléphonie mobile, d'autre part. Dans ces conditions, Orange France soutient que la réglementation distingue clairement ces deux types de services de téléphonie au public.

En se fondant sur l'article L. 34-3 du code des postes et télécommunications, Orange France estime que Télé2 France SA n'est pas actuellement autorisée à renvendiquer des fréquences, y compris celles attribuées à un autre opérateur, quelle que soit la forme juridique de cette utilisation.

En conséquence, à titre subsidiaire, Orange France demande à l'Autorité de constater et dire :

- que dans son principe même, la demande de Télé2 France SA est entièrement déterminée par son objectif de fournir des services de téléphonie mobile au public et donc subordonnée à la possibilité pour elle de fournir actuellement de tels services ;

- que Télé2 France SA n'est pas actuellement autorisée à fournir de tels services et à utiliser des fréquences radioélectriques pour la fourniture de ces services ;

- que la demande de Télé2 France SA est incompatible avec son statut réglementaire actuel et la réglementation actuelle ;

- pour ces motif, la demande de Télé2 France SA doit être rejetée comme irrecevable sans qu'il y ait lieu de statuer plus amplement au fond.



II-2. La demande de Télé2 France SA est également incompatible avec les termes de la licence GSM F1 d'Orange France.

Orange France estime que la demande de Télé2 France est incompatible avec l'article 1.1 du cahier des charges de la licence GSM F1 d'Orange.

En effet, Orange France précise qu'elle n'est pas actuellement autorisée et ne saurait en tout état de cause être forcée à établir et à exploiter des liaisons radio entre les émetteurs de son réseau et des terminaux autres que ceux de ses clients.

Or, Orange France souligne que la demande de Télé2 France SA vise dans son principe même à imposer à Orange France d'exploiter des liaisons radio entre ses émetteurs et des terminaux qui seraient détenus par les clients mobiles de Télé2 France SA, autrement dit des terminaux autres que ceux de ses clients, ce qui aurait pour effet de modifier les conditions et la finalité même de l'utilisation des féquences qui ont été attribuées à Orange.

Orange France soutient que cette demande est incompatible avec la licence GSM F1 d'Orange et ne saurait être accueillie indépendamment même des modalités techniques, tarifaires et contractuelles de son hypothétique mise en oeuvre, sans violer les dispositions réglementaires du cahier des charges de la licence GSM F1.

En conséquence, également à titre subsidiaire, Orange France demande à l'Autorité de dire et constater :

- que, dans son principe même, la demande de Télé2 France SA est incompatible avec les dispositions du cahier des charges de la licence GSM F1 d'Orange ;

- pour ce motif, que la demande de Télé2 France SA doit être rejetée comme irrecevable sans qu'il y ait lieu de statuer plus amplement au fond.


III. - Sur le caractère injustifié de la demande de Télé2 France SA


Orange France soutient que la demande de Télé2 France SA est totalement injustifiée, tant au regard des « besoins » que des capacités d'Orange à la satisfaire dans le cas où l'accord de MVNO revendiqué serait qualifié d'accord d'interconnexion ou d'accès.

III-1. La demande de Télé2 France SA est injustifiée, notamment au regard de ses besoins.

Orange France estime qu'il n'est pas sérieux de la part de Télé2 France SA de dire à l'Autorité que sa demande serait justifiée par l'impossibilité de créer un nouveau réseau en France. En effet, Télé2 France SA n'a jamais demandé l'obtention de fréquences GSM et a renoncé à déposer une candidature pour l'établissement et l'exploitation d'un réseau 3G, après l'avoir pourtant envisagé en septembre 2002. Orange France considère que cela suffit à justifier le rejet de la demande de Télé2 France SA.

Orange France estime que Télé2 France SA dispose de fait d'autres solutions que l'accord de MVNO avec Orange pour fournir des services de téléphonie mobile en France. Orange France SA précise, par ailleurs, que Télé2 France SA poursuit des négociations commerciales avec Bouygues Telecom et SFR.

Orange France indique que c'est à l'Autorité d'apprécier l'état du marché français de la téléphonie mobile en ce qui concerne la qualité et la diversité des services offerts, la concurrence sur les prix de détail, le déploiement géographique des réseaux et le taux d'équipements des utilisateurs.

Orange France estime que Télé2 France SA veut bien être le « 4e entrant » sur le marché français de la téléphonie mobile, mais seulement comme opérateur virtuel, c'est-à-dire sans investissements de réseaux et à un coût marginal théorique pour l'utilisation des réseaux existants.

Orange France précise que la prétention de Télé2 France SA ou d'autres candidats au statut de MVNO repose sur une violation de la volonté des opérateurs mobiles autorisés.

Orange France estime que ces opérateurs n'ont pas investi dans le déploiement de leurs infrastructures dans le but d'être ou d'être forcés à devenir des « opérateurs de capacité de transmission » mais n'ont effectué ces investissements qu'en vue de fournir leurs services grâce à ces infrastructures.

Orange France considère qu'imposer aujourd'hui aux opérateurs mobiles autorisés de mettre à disposition leurs infrastructures pour le développement de services téléphoniques concurrents à ceux qu'ils exploitent remettrait purement et simplement en cause les conditions juridiques et économiques initiales dans lesquelles ils ont décidé d'opérer et dans le cadre desquelles ils ont été autorisés, ce qui serait déraisonnable mais illicite au regard du principe de sécurité juridique.

Selon Orange France, admettre la possibilité que des MVNO puissent librement et sans aucune contrepartie fournir des services mobiles concurrents à ceux des opérateurs mobiles autorisés en imposant à ces derniers la mise à disposition de leur réseau serait contraire au principe d'égalité et de concurrence loyale.

Orange France indique que considérer comme justifiée la demande de Télé2 France SA reviendrait à susciter de nouvelles demandes de MVNO et à créer, dans un climat économique particulièrement dégradé dans le secteur des télécommunications, les conditions d'un risque sensible pour l'équilibre économique et la rentabilité globale des opérateurs mobiles autorisés existants, déjà confrontés au poids de leurs investissements GSM, GPRS et UMTS.

Enfin, Orange France tient à rappeler que les régulateurs allemand, italien et anglais n'ont trouvé aucune justification économique à l'introduction forcée de MVNO.

En conséquence, à titre subsidiaire, Orange France demande à l'Autorité de dire et de constater que la demande de Télé2 France SA n'est pas justifiée, y compris au regard de ses besoins.

III-2. La demande de Télé2 France SA n'est pas plus justifiée au regard des capacités d'Orange France à la satisfaire.

Orange France indique que si le partenariat de MVNO avec Télé2 France SA n'a pas soulevé d'objection particulière au plan technique de la part d'Orange, c'est uniquement en raison du fait que la discussion était placée sur le terrain de la liberté commerciale et contractuelle qui permet à Orange et à tout opérateur mobile autorisé de maîtriser, au cas par cas, l'adéquation d'éventuels partenariats de MVNO.

Orange France considère que l'analyse aurait été différente et serait différente dans le cas où les accords de MVNO seraient regardés comme des accords d'interconnexion ou d'accès spécial. Dans ces conditions, compte tenu de ses obligations à ce titre, Orange France soutient qu'elle serait tenue de faire droit, dans des conditions non discriminatoires, à toutes les demandes de « location de capacités radioélectriques » émanant de MVNO et se verrait inévitablement placée alors devant des problèmes de capacité de réseau et de maintien de qualité de service, y compris auprès de ses propres clients, pour faire face à ces demandes.

En conséquence, à titre subsidiaire, Orange France demande à l'Autorité de dire et constater que la demande de Télé2 France SA n'est pas justifiée au regard des capacités d'Orange à la satisfaire.

Pour ces motifs, Orange France souhaite que la demande de Télé2 France soit rejetée.


IV. - Sur les conditions de l'accord de MVNO

revendiquées par Télé2 France SA


Orange France soutient que les conditions revendiquées par Télé2 France sont irrecevables, outre leur caractère inéquitable.

IV-1. Les conditions de l'accord de MVNO revendiquées par Télé2 France SA sont irrecevables et inéquitables.

Orange France considère que le « projet de contrat MVNO complet » produit par Télé2 France SA en annexe I de sa saisine, avec les conditions techniques, financières et contractuelles revendiquées n'a jamais été, tout ou partie, communiqué ou présenté à Orange France pendant les discussions.

Orange France demande à l'Autorité, faute de négociation entreprise et de tout débat entre les parties sur les conditions de l'accord de MVNO revendiquées par Télé2 France SA dans sa saisine, de dire irrecevables les demandes de Télé2 France SA relatives à ces conditions.

En outre, Orange France considère que les conditions tarifaires revendiquées par Télé2 France SA pour « rémunérer » l'usage du réseau d'Orange suffisent à elles seules à démontrer le caractère inéquitable des conditions revendiquées.

Orange France précise que Télé2 France SA revendique un prix par minute pour 2002 et 2003 de [...] pour les appels en provenance et à destination de ses « abonnés itinérants ». Orange France constate que ce prix de reversement est passé de [...] [...] dans la saisine.

Orange France considère que dans la mesure où Télé2 France SA entend reverser une charge bien inférieure aux coûts d'Orange France pris en compte par l'Autorité, on peut s'interroger sur le niveau de la terminaison d'appel « virtuelle » que Télé2 France entendrait demander aux opérateurs tiers, point sur lequel Télé2 France SA est totalement silencieuse.

En conséquence, à titre infiniment subsidiaire, Orange France demande à l'Autorité de dire et constater que les conditions revendiquées par Télé2 France SA sont inéquitables.

B. - Sur la demande de Télé2 France SA relative à la conclusion d'une convention d'interconnexion portant sur la terminaison des appels entre ses « abonnés itinérants » et les abonnés d'Orange France

Orange France demande à l'Autorité de rejeter la demande de Télé2 France SA comme étant purement et simplement privée de tout objet dans le cas où elle accueillerait l'argumentation exposée par Orange France.

Dans le cas contraire, Orange France demande à l'Autorité de constater en tout état de cause :

- à titre principal, que cette demande est irrecevable ;

- à titre subsidiaire, que cette demande est totalement injustifiée et inéquitable.


I. - A titre principal, sur l'irrecevabilité

de la demande de Télé2 France SA


Orange France soutient qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucune demande n'a été formulée en vue de conclure une convention d'interconnexion pour la terminaison des appels entre les « abonnés itinérants » de Télé2 France SA et les abonnés d'Orange et qu'elle n'a donc pu faire l'objet d'aucune négociation entre les parties.

Orange France demande à l'Autorité de constater que Télé2 France SA ne saurait valablement se prévaloir en l'espèce d'un désaccord ou d'un échec de négociations commerciales sur la conclusion de cette convention au sens de l'article L. 36-8 (I) du code des postes et télécommunications et, conformément à sa pratique décisionnelle, de déclarer en conséquence irrecevable la demande de Télé2 France SA.

En conséquence, à titre principal, Orange France demande à l'Autorité de dire et constater que la demande de Télé2 France SA doit être rejetée comme irrecevable sans qu'il y ait lieu de statuer plus amplement au fond.


II. - A titre subsidiaire, sur le caractère totalement injustifié

et inéquitable de la demande de Télé2 France SA


Orange France soutient que cette demande ne fait l'objet d'aucune justification, ni explication dans la saisine de Télé2 France SA, ce qui justifierait son rejet.

En conséquence, à titre subsidiaire, Orange France demande à l'Autorité de dire et constater que la demande de Télé2 France SA doit être rejetée en raison de son caractère totalement injustifié et inéquitable par principe.

En conclusion, Orange demande à l'Autorité de rejeter dans l'ensemble les demandes de Télé2 France relatives à la conclusion d'un accord de MVNO et d'une convention d'interconnexion portant sur la terminaison des appels entre les « abonnés itinérants » et les abonnés d'Orange France.

Vu les observations en réplique enregistrées le 26 septembre 2002 présentées par la société Télé2 France SA ;

Dans ses observations, Télé2 France SA souhaite apporter des précisions sur l'historique de ses relations avec Orange France et l'objet de sa demande.


1. Sur l'historique des relations entre Télé2 France SA

et Orange France et l'objet de la saisine


En premier lieu, Télé2 France SA entend souligner que, dans ses observations, Orange France ne conteste à aucun moment l'existence d'un échec de négociations commerciales entre elles concernant la conclusion d'un accord MVNO.

Télé2 France SA indique que la compétence de l'Autorité pour trancher ce différend sur le fondement de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications est avérée, dans la mesure où l'accord dont la conclusion est sollicitée, relève de la catégorie des prestations d'interconnexion ou, dans l'hypothèse où une telle qualification ne serait pas retenue par l'Autorité, des prestations d'accès.

Télé2 France SA tient à souligner qu'elle prévoit de verser près de 25 % de ses revenus à son opérateur hôte au titre des achats des minutes MVNO entrantes et sortantes.

Télé2 France SA demande à l'Autorité de constater que l'échec des négociations sur les conditions techniques et financières de l'accord MVNO est avéré.

Télé2 France SA considère qu'il est tout à fait inexact de l'accuser de ne consentir aucun investissement et de ne supporter aucun risque. Elle estime que sa demande de « full MVNO » suppose de la part de Télé2 France SA les mêmes investissements techniques (à l'exception du sous-système radio) et marketing qu'un opérateur mobile. Télé2 France SA évalue ces investissements à [...] en équipements de réseaux et [...] en dépenses marketing. En outre, Télé2 France SA estime que le caractère gagnant-gagnant de l'accord résulte d'une complémentarité de services (la commercialisation par Télé2 France SA de services originaux et innovants) et d'une complémentarité des approches commerciales (Télé2 France SA visant uniquement à commercialiser son service auprès de ses clients existants par des procédés de marketing direct).


2. Sur la discussion au fond


2.1. Sur la conclusion de l'accord de MVNO étendu :

Télé2 France SA conclut aux mêmes fins que sa saisine par les mêmes moyens que précédemment et indique qu'aucun des éléments avancés par Orange France ne permet d'écarter la qualification réglementaire d'interconnexion ou, à défaut, d'accès des prestations revendiquées par Télé2 France SA dans le cadre de la présente procédure.

Télé2 France SA estime que dans le cadre de la présente procédure, outre la conclusion d'un accord MVNO, la conclusion d'une convention d'interconnexion avec Orange, pour la terminaison des appels entre ses futurs abonnés itinérants et les abonnés d'Orange France, ne s'oppose nullement à la qualification d'interconnexion du contrat MVNO.

En se fondant sur la décision no 2000-703 en date du 7 juillet 2000, Télé2 France SA estime que, contrairement à ce que soutient Orange France, le fait que soit en cause la fourniture du service téléphonique au public ne saurait, par nature, exclure la qualification de convention d'accès.

Concernant la clause d'arbitrage insérée dans le projet de contrat MVNO joint à sa saisine, Télé2 France SA rappelle que celle-ci avait été envisagée pour répondre à la demande d'Orange qui avait précisé lors de ses négociations avec Télé2 France SA qu'elle souhaitait être garantie contre les risques liés au MVNO. En outre, Télé2 France SA ajoute qu'une telle clause n'aurait pas pour effet de fait obstacle à une saisine de l'Autorité sur le fondement de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

Sur la notion d'itinérance, Télé2 France SA souhaite préciser que, contrairement à ce qu'affirme Orange France, elle n'a jamais assimilé juridiquement les prestations de MVNO aux prestations d'itinérance. Télé2 France SA précise que plusieurs conditions sont nécessaires pour que la prestation en cause soit qualifiée « d'itinérance », à savoir que :

- la prestation doit s'inscrire dans le cadre d'un accord conclu entre deux opérateurs détenant chacun leur propre réseau de téléphonie mobile ;

- l'accord d'itinérance ne vise à permettre qu'un accueil temporaire des abonnés sur le réseau hôte.

Télé2 France SA considère qu'aucune des conditions ne sont remplies puisque, dans le cadre d'un accord MVNO, une des parties, en l'espèce Télé2 France SA, ne dispose pas de son propre réseau mobile.

Sur le fait que, selon Orange France, les prestations revendiquées par Télé2 France SA s'apparenteraient à des prestations de dégroupage de la boucle locale radio, Télé2 France SA précise que les conséquences que tire Orange France de cette analogie sont erronées :

Télé2 France SA précise que, à supposer que les prestations revendiquées par Télé2 France SA puissent effectivement être assimilées au dégroupage, il conviendrait de relever que ce dégroupage de la boucle locale radio ne saurait s'apparenter au dégroupage total de la paire de cuivre et d'assimiler ce contrat à l'accès partagé à la boucle locale.

Télé2 France SA souhaite repréciser qu'un accord MVNO ne saurait être assimilé ni au dégroupage total, ni au dégroupage partiel de la boucle locale fixe. Un tel accord s'apparente à l'option 3 du dégroupage de l'accès à la boucle locale fixe, appelée par l'Autorité « accès au débit » ou « accès au circuit virtuel ».

Sur l'incompatibilité, selon Orange, de la demande avec le statut réglementaire de Télé2 France et avec les termes de la licence GSM F1, Télé2 France entend préciser que l'incompatibilité alléguée par Orange France n'a jamais été évoquée lors des négociations entre ces deux sociétés. Télé2 France SA entend au demeurant démontrer que le moyen soulevé par Orange France ne saurait prospérer :

Télé2 France SA ne conteste à aucun moment le fait que la réglementation, tant communautaire que française, distingue les services de téléphonie mobile des services de téléphonie fixe. Télé2 France SA entend rappeler que l'article L. 34-1 du code des postes et télécommuncations relatif à la fourniture du service téléphonique au public s'applique, tant pour la fourniture de service fixe, que pour la fourniture de service mobile.

Télé2 France SA rappelle que les prestations revendiquées dans le cadre du contrat MVNO ne visent pas à transférer, revendiquer ou disposer des fréquences attribuées à Orange France, mais seulement à les utiliser indirectement.

Télé2 France SA soutient que rien ne s'oppose à ce qu'elle puisse fournir un service de téléphonie mobile en devenant MVNO et en utilisant, pour ce faire, les fréquences d'Orange France.

Sur la prétendue incompatibilité de la demande de Télé2 France SA avec les termes de la licence GSM F1 d'Orange, Télé2 France SA indique que l'argument soulevé par Orange France ne saurait convaincre. Télé2 France SA mentionne les dispositions de l'article 1.2 du cahier des charges d'Orange, Télé2 France SA estime que rien n'interdit à Orange France de fournir des capacités de transmission mobile à un opérateur MVNO qui ne l'empêche pas de conclure un accord MVNO avec Télé2 France SA :

Télé2 France SA souligne qu'il n'existe aucune incompatibilité entre le statut d'un opérateur mobile 2G et la conclusion d'un contrat MVNO.

Télé2 France SA estime les conditions du contrat MVNO recevables et équitables. Sur la recevabilité, Télé2 estime que les négociations entre Télé2 France SA et Orange ont porté sur les éléments essentiels du contrat envisagé, à savoir l'architecture technique et le prix, et que le détail des conditions contractuelles proposées par Télé2 France SA n'ont pu être discutées, car Orange a souhaité mettre fin aux discussions avant qu'elles puissent être abordées. Sur l'équité des conditions, Télé2 France SA demande à l'Autorité de constater que la seule condition jugée inéquitable par Orange est celle relative au prix. Télé2 France SA estime que les conditions qu'elle propose sont raisonnables : elles incluent une marge correspondant à un taux de rémunération du capital de 17 % ; de plus, Télé2 France SA rapproche la rémunération proposée d'évaluations obtenues à partir de coût de terminaison d'appel en donnant des chiffres de [...] et [...] par minute, constituant selon Télé2 France SA un majorant des coûts d'Orange.

Sur le fait que la demande de Télé2 France SA serait injustifiée :

Sur la création d'un nouveau réseau mobile en France, Télé2 France SA rappelle que sa demande vise uniquement à lui permettre de fournir des services mobiles 2G et à aucun moment des services 3G.

Télé2 France SA estime que le fait qu'il existe d'autres opérateurs mobiles sur le marché est sans incidence sur les obligations réglementaires d'Orange France attachées au statut d'opérateur détenant une influence significative sur le marché de détail de la téléphonie mobile et sur le marché de l'interconnexion.

Sur les autres points soulevés par Orange France relatifs aux effets que pourrait avoir sur le marché français l'introduction de MVNO, Télé2 France SA maintient son analyse de la situation concurrentielle présente et conteste l'invocation par Orange France d'une violation des principes de sécurité juridique, égalité et concurrence loyale.

Sur la situation concurrentielle du marché mobile français, Télé2 France SA indique que la concurrence sur le marché français de la téléphonie mobile se situe à un niveau manifestement sous optimal pour la société dans son ensemble puisqu'elle ne permet pas aux consommateurs de bénéficier facilement des meilleurs services au meilleur prix. Elle souhaite mettre en lumière la situation d'un marché oligopolistique sur lequel l'absence de nouvel entrant ne crée pas d'incitation à l'amélioration des conditions offertes aux consommateurs.

Télé2 France SA conteste formellement l'invocation par Orange France des principes de sécurité juridique, égalité et concurrence loyale qui ne sauraient avoir une quelconque influence sur la justification des besoins de Télé France SA.

Sur l'équilibre économique du secteur et la rentabilité globale des opérateurs, Télé2 France s'insurge contre la présentation faite par Orange. Télé2 France SA souhaite rappeler que l'émergence de MVNO, simples utilisateurs des fréquences attribuées aux opérateurs mobiles, ne revient à aucun moment à remettre en cause ou à contrevenir au régime juridique d'attribution des licences. En outre, Télé2 France SA indique que les investissements réalisés par les trois opérateurs mobiles en services GSM sont d'ores et déjà rentabilisés.

Télé2 France SA indique que les prises de position de certaines autorités de régulation relatives au concept de MVNO s'inscrivent dans le cadre de situations nationales fort différentes de la situation du marché français et ne sauraient être considérées comme étant transposables. Télé2 France SA estime que, si les autorités de régulation italiennes, anglaises et allemandes n'ont pas considéré que l'introduction « forcée » de MVNO était nécessaire, c'est bien parce que leurs marchés respectifs connaissent déjà une situation concurrentielle intense. Cette situation est donc bien différente de celle prévalant sur le marché français. Télé2 France SA rappelle à l'Autorité la position de l'Autorité de régulation norvégienne, qui dispose que l'accueil des MVNO est imposé aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché.

En conséquence, Télé2 France SA demande à l'Autorité de constater que sa demande est pleinement justifiée au regard de ses besoins.

Sur la justification de la demande de Télé2 France SA au regard des capacités d'Orange France :

Télé2 France SA rappelle qu'Orange France n'a jamais soulevé aucun obstacle technique au cours des négociations. Dans ces conditions, Télé2 France SA demande à l'Autorité de constater que sa demande est justifiée au regard de la capacité d'Orange France à la satisfaire.

Sur les conditions de l'accord :

Télé2 France SA précise que les arguments avancés par Orange France ne sauraient prospérer et indique que les conditions de l'accord MVNO qu'elle revendique sont pleinement recevables. Les détails des conditions contractuelles proposées par Télé2 France SA n'ont pu être discutés, puisqu'Orange France a souhaité y mettre fin avant même de pouvoir les aborder.

Télé2 France SA demande à l'Autorité de constater que la seule condition jugée inéquitable par Orange France est celle relative au prix, ce qui confirme le caractère raisonnable, équilibré et équitable du reste de ses demandes et des conditions contractuelles associées.

S'agissant du prix, Télé2 France SA précise que l'Autorité relèvera que les conditions qu'elle propose sont raisonnables et ne correspondent pas à un « coût marginal virtuel » puisqu'elles incluent une marge raisonnable correspondant à un taux de rémunération du capital de 17 %, supérieur de deux points au taux retenu par l'OFTEL au Royaume-Uni.

En premier lieu, Télé2 France SA indique qu'un MVNO supporte les mêmes postes de dépenses qu'un opérateur de réseau classique, mais avec des coûts de réseau significativement plus élevés incluant la marge de l'opérateur hôte.

Télé2 France SA a prévu d'investir près de [...] en dépenses marketing et la création de plus de [...] emplois.

En deuxième lieu, Télé2 France SA considère qu'une stratégie de guerre de prix serait de surcroît un non-sens pour un MVNO. Télé2 France SA estime que son objectif stratégique sera la rentabilité d'un petit nombre de clients et non pas la conquête à tout prix d'une part de marché importante.

En troisième lieu, Télé2 France SA soutient qu'un MVNO permettrait une allocation collective optimale des investissements permettant le développement supplémentaire du marché par l'augmentation du choix offert aux consommateurs sans pour autant nécessiter la duplication, non rentable, d'infrastructures de réseaux.

En quatrième lieu, Télé2 France SA conteste l'accusation d'Orange France selon laquelle elle remettrait en cause la rentabilité des investissements UMTS. Télé2 France SA rappelle que, en Suède, elle accueille spontanément sur son propre réseau GSM un MVNO de son concurrent norvégien Telena alors même qu'elle dispose d'un réseau UMTS dans ce pays.

Au vu de ces éléments, Télé2 France SA demande à l'Autorité de constater que les conditions qu'elles revendiquent sont parfaitement équitables.

2.2. Sur la demande de conclusion d'une convention d'interconnexion pour la terminaison des appels entre ses abonnés et ceux d'Orange France :

Selon Télé2 France SA, sa demande relative à la conclusion d'une convention d'interconnexion pour la terminaison des appels à destination de ses clients est justifiée, d'une part, par la nécessité de percevoir les revenus liés aux appels entrants à destination de ses abonnés et, d'autre part, l'expérience acquise par Télé2 France SA notamment aux Pays-Bas. Télé2 France SA estime que cette convention est accessoire, mais apparaît nécessaire au fonctionnement de l'accord de MVNO. Télé2 France SA considère que sa demande est recevable car, si elle n'a pu être initialement discutée entre les parties, c'est uniquement parce que Orange France n'a pas souhaité pousser plus avant les négociations.

En conclusion, Télé2 France SA demande à l'Autorité de :

- rejeter l'ensemble des arguments et demandes invoqués par Orange France ;

- faire droit à l'ensemble de ses demandes concernant la conclusion d'un accord MVNO avec Orange et d'une convention d'interconnexion portant sur la terminaison des appels entre ses futurs abonnés itinérants et les abonnés d'Orange France.

Vu la décision no 2002-802 de l'Autorité en date du 8 octobre 2002 prorogeant de trois mois le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur le différend opposant Télé2 France SA à Orange France ;

Vu les nouvelles observations en défense enregistrées le 11 octobre 2002 présentées par la société Orange France ;

Orange France conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens que précédemment.

Dans ses nouvelles observations, Orange France, à titre liminaire, tient à souligner que l'objectif de Télé2 France de devenir « full MVNO » en France dans le réseau d'Orange ne saurait justifier une interprétation dénaturée de la notion d'interconnexion et/ou d'accès.

Orange France considère que les multiples éléments d'incompatibilité de la demande de Télé2 France avec la réglementation actuelle démontrent qu'une telle introduction exigerait l'élaboration d'un cadre réglementaire adapté et organisé pour garantir la sécurité juridique des opérateurs autorisés.

Par ailleurs, Orange conteste l'affirmation de Télé2 France que son projet de MVNO supposerait des investissements de réseau significatifs et en tout cas comparables à ceux réalisés par les opérateurs autorisés. Elle indique que les investissements dans le sous-système radio représentent de 70 % à 80 % des investissements d'infrastructures. En outre, elle signale que le projet de MVNO conduirait Télé2 France SA à utiliser l'ensemble des commutateurs d'accès à l'abonné d'Orange. Elle compare les [...] annoncés par Télé2 France pour les équipements de réseaux aux 3,5 milliards d'euros d'investissements cumulés d'Orange à la fin 2001.


I. - Sur l'irrecevabilité de la demande de Télé2 France SA


1.1. L'appartenance des accords de MVNO au régime de la liberté commerciale contractuelle.

1.2. Sur l'inapplication du régime de l'interconnexion et/ou de l'accès spécial.

En premier lieu, Orange France estime qu'elle a démontré, dans son précédent mémoire, que les prestations revendiquées par Télé2 France SA qui ont pour objet de devenir opérateur mobile et de pouvoir acquérir des abonnés ne répondaient pas à la finalité propre des prestations d'interconnexion qui ont pour objet de permettre et de garantir aux clients des différents opérateurs de communiquer librement entre eux via un raccordement des réseaux entre eux.

Orange France demande à l'Autorité de constater et dire que les prestations revendiquées par Télé2 France SA ne sont pas et ne sauraient être regardées comme des prestations d'interconnexion mais également, sur la base de la propre analyse de Télé2 France SA, qu'Orange n'est aucunement tenue de lui fournir ces prestations.

En second lieu, Orange France estime que les prestations revendiquées ne sont pas plus des prestations d'accès. Orange France considère que Télé2 France SA ne justifie pas les raisons précises qui permettraient de regarder les prestations qu'elle revendique au titre de l'accord de MVNO comme des prestations « de connexion au réseau » d'Orange France.

En troisième lieu, Orange France soutient qu'en s'appuyant sur la notion d'itinérance pour décrire les prestations de MVNO revendiquées, Télé2 France SA reconnaissait le caractère artificiel et infondé de la qualification d'interconnexion et/ou d'accès spécial.

Enfin, Orange France considère que les prestations revendiquées par Télé2 France SA s'apparentent à des véritables prestations de dégroupage total au sens du règlement CE 2887/2000 du 28 décembre 2000 et du décret no 2000-881 du 12 septembre 2000, prestations qui ne peuvent lui être imposées compte tenu de la spécificité des motifs et textes à l'oeuvre dans le dégroupage.

Dans ces conditions, Orange France demande à l'Autorité de constater que ce moyen est infondé et la demande de Télé2 France SA irrecevable.

Orange France indique que seule l'option dégroupage total « option 1 » permet de maîtriser totalement et exclusivement, tant au plan juridique que commercial, l'utilisateur final comme Télé2 France SA envisage de le faire en l'espèce.

Orange France estime qu'aucune des options du dégroupage de la boucle locale fixe ne saurait manifestement lui être opposée pour imposer de fournir les prestations revendiquées par Télé2 France SA dans le cadre du différend.

En conséquence, Orange France demande à l'Autorité de constater et dire :

- que l'accord de MVNO étendu que Télé2 France SA prétend imposer à Orange, en raison de son objet, de sa nature et de ses implications, n'est pas et ne saurait être regardé comme un accord d'interconnexion ou d'accès spécial ;

- que les prestations revendiquées par Télé2 France SA seraient, pour le réseau d'Orange France, assimilables à des prestations de dégroupage de la boucle locale fixe, comme Télé2 France le reconnaît et l'affirme, et plus spécifiquement à des prestations destinées à permettre un accès totalement dégroupé à la boucle locale fixe ;

- qu'Orange France ne saurait se voir imposer une quelconque obligation de dégroupage de l'accès à sa boucle locale radio sur le fondement de ou par analogie avec la réglementation relative au dégroupage de l'accès à la boucle locale des opérateurs de réseaux fixe ni a fortiori sur le seul fondement des dispositions actuelles du régime de droit commun de l'interconnexion et de l'accès ;

- que la demande de Télé2 France est irrecevable.


II. - Sur l'incompatibilité de la demande

de Télé2 France SA avec la réglementation


Orange a démontré à titre subsidiaire que la demande de Télé2 France était incompatible, d'une part, avec son statut d'opérateur fixe, d'autre part, avec le cahier des charges de la licence GSM F1 d'Orange et en particulier son article 1.1.

Sur l'incompatibilité actuelle de la demande de Télé2 France SA avec son statut d'opérateur de téléphonie fixe :

Orange souligne que, dans l'état actuel de la réglementation des télécommunications et des autorisations dont disposent les parties à la présente procédure, toute décision d'arbitrage qui aurait pour objet ou pour effet de lui imposer de mettre à la disposition de Télé2 France SA en vue d'une utilisation partagée les ressources en fréquences qui lui ont été personnellement attribuées, en vertu de sa licence GSM F1 pour l'exploitation de ses seuls services, serait gravement contraire au régime de l'utilisation du domaine public spectral et entachée d'illégalité.

Sur l'incompatibilité de la demande de Télé2 France SA avec la licence GSM F1 d'Orange :

Orange France souligne à nouveau que l'article 1.1 du cahier des charges de son autorisation est incompatible avec la prétention de Télé2 France SA de lui imposer l'exploitation de ces liaisons entre ses émetteurs et les terminaux des futurs clients de Télé2 France SA.

Orange France demande à l'Autorité de constater et dire que la demande de Télé2 France SA de lui imposer un accord de « full MVNO » est incompatible avec les termes actuels de sa licence GSM F1, avec les droits qu'elle a acquis au titre de sa licence et avec les principes de sécurité juridique et de concurrence loyale et de rejeter la saisine de Télé2 France SA.


III. - Sur le caractère injustifié des demandes

de Télé2 France SA


Orange France a déjà démontré que la demande de Télé2 France SA était injustifiée, tant au regard des capacités d'Orange France à la satisfaire, dans le cas où l'accord de MVNO revendiqué serait qualifié d'accord d'interconnexion ou d'accès.

Orange France estime que le besoin de Télé2 France SA de fournir des services de téléphonie mobile n'est pas justifiable et pas justifié par le caractère prétendument « sous-optimal de la concurrence » sur ce marché et considère avoir déjà répondu sur ce sujet.

Orange France considère que Télé2 France SA ne saurait justifier valablement sa demande de pouvoir fournir des services de téléphonie mobile au moyen de l'accord de MVNO revendiqué par le prétendu besoin d'ouvrir le marché à la concurrence pour les services qu'elle invoque. Orange France estime que la procédure de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications n'a pas pour objet d'intervenir sur la structure de l'offre dans un marché.

Orange France souligne que la demande de Télé2 France SA reviendrait, si elle était accueillie, à créer dans un climat particulièrement dégradé dans le secteur des télécommunications, les conditions d'un risque sensible pour les opérateurs mobiles autorisés existants, déjà confrontés au poids de leurs investissements GPRS et UMTS.

Conformément à ses précédentes observations, Orange France demande à l'Autorité de dire et constater que la demande de Télé2 France n'est pas justifiée, ni au regard de ses besoins, ni au regard des capacités d'Orange à la satisfaire.


IV. - Sur les conditions de l'accord de MVNO

revendiquées par Télé2 France SA


Orange maintient intégralement sa demande à l'Autorité de dire irrecevables et inéquitables les conditions de l'accord de MVNO revendiquées par Télé2 France SA et telles que présentées pour la première fois dans sa saisine, en annexe I.

C. - Sur la demande relative à la conclusion d'une convention d'interconnexion portant sur la terminaison des appels entre les « abonnées itinérants » de Télé2 France SA et les abonnés d'Orange France

Orange France considère que cette demande est manifestement irrecevable en ce qu'elle n'a fait l'objet d'absolument aucun échange entre les parties ni même d'aucune évocation de la part de Télé2 France SA au cours de leurs discussions qui ont duré presque un an.

En second lieu, et compte tenu de certaines indications complémentaires apportées par Télé2 France SA dans sa réplique, Orange France entend ajouter à ce premier moyen d'irrecevabilité un second lié à la nature même de la demande de Télé2 France SA. En effet, Orange France indique que Télé2 France SA postule que la terminaison des appels vers ses prétendus futurs « abonnés itinérants » relèverait du régime de l'interconnexion et qu'il serait en outre normal et légitime qu'elle assure la responsabilité de l'interconnexion entrante à destination de ses clients.

Orange demande à l'Autorité de constater et dire :

- que Télé2 France SA n'apporte aucun élément pour justifier que sa présente demande devrait être regardée comme une demande d'interconnexion ;

- que la terminaison des appels vers les abonnés d'un « full MVNO » ne saurait être de sa responsabilité mais de la responsabilité, avec les droits y attachés, de l'opérateur de réseau mobile autorisé qui lui fournit les prestations ;

- que la présente demande de Télé2 France SA relative à la conclusion d'une convention d'interconnexion mobile-mobile est irrecevable et totalement déraisonnable ;

- que cette demande doit être rejetée.

Vu la lettre de l'adjoint du chef du service juridique en date du 12 novembre 2002 adressant un questionnaire aux parties et fixant au 2 décembre 2002 la date de clôture de remise des réponses ;

Vu le courrier de la société Télé2 France SA enregistré à l'Autorité le 13 novembre 2002 souhaitant avoir communication de pièces ;

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 21 novembre 2002 convoquant les sociétés Télé2 France SA et Orange France à une audience devant le collège le jeudi 5 décembre 2002 ;

Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique en date du 27 novembre 2002 reportant l'audience devant le collège au vendredi 6 décembre 2002 ;

Vu la lettre de la société Orange France enregistrée à l'Autorité le 28 novembre 2002 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu les réponses des parties au questionnaire du rapporteur enregistrées le 2 décembre 2002 ;

Vu la lettre de la société Télé2 France SA enregistrée à l'Autorité le 2 décembre 2002 souhaitant que l'audience devant le collège soit publique ;

Vu la lettre de la société Orange France enregistrée à l'Autorité le 5 décembre 2002 concernant la réponse de Télé2 France SA au questionnaire du rapporteur ;

Interrogée sur la publicité de l'audience par le président de l'Autorité à l'ouverture de la séance du 6 décembre 2002, la société Télé2 France SA a précisé qu'elle pouvait souscrire à la demande d'Orange France à ce que l'audience ne soit pas publique.

Après avoir entendu le 6 décembre 2002, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Jérôme Rousseau, rapporteur adjoint présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de M. Jean-Louis Constanza, pour la société Télé2 France SA, et de Me Jean-Paul Tran Thiet, bureau Francis Lefebvre, représentant la société Télé2 France SA ;

- les observations de M. Didier Quillot, pour la société Orange France, et de Me Christophe Clarenc, cabinet Latham & Watkins, assistant la société Orange France ;

En présence de :

Me Sylvain Justier, bureau Francis Lefebvre, MM. Olivier Anstett, Guillaume Alsac et Mme Fleur Thesmar, société Télé2 France SA ;

MM. Jean-François Devemy, N. Bonpunt, Mmes N. Hilaire, Florence Muh-Wallerand, société Orange France ;

MM. Jean Marimbert, directeur général, François Lions, Gilles Crespin, Emmanuel Souriau, Michael Trabbia, Loïc Taillanter, Mmes Elisabeth Rolin, Christine Galliard, agents de l'Autorité ;

Le collège en ayant délibéré le 17 décembre 2002, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité,

Adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après :


I. - Sur la régularité de la procédure


En premier lieu, la société Télé2, dans un courrier en date du 13 novembre 2002, a allégué auprès de l'Autorité l'atteinte au caractère contradictoire de la procédure du présent règlement du différend. En effet, en transmettant à l'Autorité les pièces annexées à ses observations en duplique, la société Orange France avait expressément demandé que les pièces portant le no 1 et le no 11 ne soient pas communiquées à la société Télé2 car leur contenu relevait, selon elle, du secret des affaires. Dans ces conditions, la société Télé2 a soutenu dans son courrier que la circonstance que l'Autorité n'ait pas transmis les deux pièces susvisées ne lui permettait pas d'être en mesure de présenter équitablement sa défense.

L'Autorité rappelle qu'en application de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications « (...) l'Autorité se prononce (...) après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations » et de l'article R. 11-1 de ce même code « (...) l'Autorité de régulation des télécommunications donne à chacune des parties connaissance des observations et pièces déposées par les autres parties (...) ». Elle est ainsi soumise aux principes fondamentaux de la contradiction. L'Autorité ne peut donc prendre en compte que des données qui sont susceptibles d'être communiquées à l'autre partie dans le respect du principe du contradictoire et de l'égalité des armes.

Ainsi, par un courrier en date du 14 novembre 2002, l'Autorité a répondu à la société Télé2 France SA qu'elle avait, afin de respecter le principe du contradictoire et le secret des affaires invoqué par la société Orange France, retiré immédiatement les pièces susvisées du dossier d'instruction. En outre, elle lui a indiqué que ces pièces avaient été disjointes du dossier et ne seraient pas prises en compte dans le cadre du présent règlement de litige.

Il résulte de ce qui précède que la société Télé2 France SA ne peut soutenir que la procédure suivie en l'espèce par l'Autorité n'a pas été conduite dans le respect du contradictoire.

En second lieu, dans un courrier en date du 27 novembre 2002, la société Orange France soutient que le contenu du questionnaire du rapporteur transmis aux parties le 12 novembre 2002 porterait atteinte à ses droits de la défense. En effet, la société Orange France estime qu'à la lecture du questionnaire l'Autorité s'est d'ores et déjà prononcée sur la recevabilité de la demande de Télé2 France SA au regard de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications en qualifiant la prestation revendiquée « d'accès au réseau » avant même la tenue de l'audience devant le collège.

Or, comme cela a été souligné auprès de la société Orange France par un courrier du chef du service juridique de l'Autorité en date du 28 novembre 2002, il résulte des pièces du dossier que l'Autorité ne s'est en aucun cas prononcée, au stade du questionnaire, sur la qualification juridique de la prestation demandée par Télé2 France SA en vertu de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. Le questionnaire du rapporteur s'est limité à inviter les parties à fournir des explications nécessaires à la solution du différend, en application de l'article 12 du règlement intérieur de l'Autorité et n'a eu pour objet, ni de qualifier juridiquement la prestation en cause, ni d'anticiper sur la solution du litige.

Enfin, dans un courrier en date du 4 décembre 2002, Orange France soutient que les réponses de Télé2 France SA au questionnaire du rapporteur porteraient également atteinte à ses droits de la défense. En effet, Orange France estime que Télé2 France SA a présenté ses réponses au questionnaire sous la forme d'un troisième mémoire, complétant ainsi par ce moyen les arguments qu'elle a précédemment développés dans ses écritures.

L'Autorité constate que dans la réponse à ce questionnaire, la société Télé2 France SA s'est bornée à expliciter l'argumentation déjà présentée dans ses précédentes écritures, ce qui ne saurait en tout état de cause avoir porté une atteinte aux droits de la défense de la société Orange France.

Au surplus, l'Autorité rappelle que toutes les écritures de la société Télé2 France SA ont été régulièrement transmises à la société Orange France dans le cadre de la procédure contradictoire et ont pu être contestées en temps utile.


II. - Sur la description de la prestation

de la société Télé2 France SA à la société Orange France


La demande de Télé2 France SA porte sur une prestation de « MVNO étendu » (« full MVNO ») selon la terminologie figurant dans le rapport sur les MVNO publié par la commission consultative des radiocommunications le 22 mars 2002.



PRESTATION D'ACCÈS MVNO




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 62 du 14/03/2003 page 4482 à 4491



BSC (Base Station Controller) : cet équipement, appelé contrôleur de station de base, commande une ou plusieurs BTS (Base Transceiver Station : cet équipement, appelé station de base, assure la modulation/démodulation du signal radio et gère la ressource radio).

HLR (Home Location Register) : cette base de données fournit des indications sur la localisation des abonnés et contient les caractéristiques de leur abonnement.

MSC (Mobile Switching Center) : cet équipement est un commutateur mobile.

Dans ce modèle, le MVNO émet ses propres cartes SIM, dispose de sa propre base de données (HLR) et d'éléments de coeur de réseau qui lui sont propres. D'un strict point de vue d'architecture technique, la prestation s'apparente à de l'itinérance par laquelle sont accueillis sur le réseau radio de l'opérateur mobile hôte, les clients titulaires d'une carte SIM enregistrés dans la base de données HLR d'un autre acteur. En outre, le MVNO est responsable de l'interconnexion avec les autres réseaux ouverts au public nationaux et internationaux.


III. - Sur les fins de non-recevoir opposées

par la société Orange France


Aux termes de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications : « En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties. (...) »

La société Orange France, dans ses observations en défense, soutient que l'Autorité est incompétente pour statuer sur la demande présentée par la société Télé2 France SA, car elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. En effet, elle estime que la demande de Télé2 France SA ne relève, ni du régime de l'interconnexion, ni de l'accès au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications.

III-1. La prestation demandée par la société Télé2 France SA ne constituerait pas une prestation d'interconnexion.

L'article 2 de la directive 97/33 /CE susvisée définit l'interconnexion comme : « a) (...) la liaison physique et logique des réseaux de télécommunications utilisés par le même organisme ou un organisme différent, afin de permettre aux utilisateurs d'un organisme de communiquer avec les utilisateurs du même ou d'un autre organisme ou d'accéder aux services fournis par un autre organisme. Les services peuvent être fournis par les parties concernées ou par d'autres parties qui ont accès au réseau. »

L'article L. 32 (9°) du code des postes et télécommunications dispose que : « On entend par interconnexion les prestations réciproques offertes par deux exploitants de réseaux ouverts au public qui permettent à l'ensemble des utilisateurs de communiquer librement entre eux, quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les services qu'ils utilisent.

On entend également par interconnexion les prestations d'accès au réseau offertes dans le même objet par un exploitant de réseau ouvert au public à un prestataire de service téléphonique au public. »

Il résulte des dispositions combinées de l'article 2 de la directive 97/33 /CE et de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications que l'interconnexion aux réseaux de télécommunications ouverts au public a, par le biais de prestations réciproques, pour objet de permettre et de garantir à tous les utilisateurs (c'est-à-dire les clients existants des opérateurs) de communiquer librement entre eux, quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les services qu'ils utilisent et d'accéder aux services de fournisseurs de services tiers.

Or, il ressort des pièces du dossier que la prestation MVNO demandée par la société Télé2 France SA a pour finalité de lui permettre de fournir un service à ses seuls clients, et non pas de permettre la communication entre les clients de différents opérateurs. Il s'ensuit qu'une telle prestation ne saurait être regardée comme une prestation d'interconnexion au sens du 9° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunicatons, notamment au regard du critère de réciprocité des prestations.

En outre, il ressort également des pièces du dossier que la prestation MVNO demandée par la société Télé2 France SA est à titre principal constituée par l'accueil des clients mobile de Télé2, équipés de cartes SIM Télé2 France SA sur le réseau mobile d'Orange France.

Cette prestation est, du point de vue de la configuration technique, similaire à la prestation d'itinérance sur l'ensemble du réseau permettant l'accueil des clients d'un opérateur mobile sur le réseau d'un opérateur mobile tiers.

Or, l'Autorité rappelle que la définition de l'itinérance ne figure pas dans les dispositions du code des postes et télécommunications. Elle constate que la Commission européenne a considéré, dans le cadre d'une analyse relative à la qualification juridique de cette notion, que l'itinérance ne constituait pas une liaison physique et logique des réseaux de télécommunication et ne relevait donc pas de l'interconnexion au sens de l'article 2 de la directive 97/33 /CE susvisée. Dans son analyse juridique, la Commission soutient que : « L'itinérance ne relève pas de l'interconnexion au sens de l'article 2.1 de la directive « Interconnexion » : cela ne constitue pas une liaison physique et logique entre deux réseaux de télécommunications telle que définie par cette disposition. L'itinérance constitue pour un opérateur de réseau l'obligation de garantir l'accès et de permettre l'usage d'un service aux abonnés d'un autre opérateur, conformément aux dispositions d'un accord signé entre les deux opérateurs. Le fait que l'itinérance permet aux utilisateurs d'un organisme de communiquer avec les utilisateurs d'un autre organisme ou d'accéder aux services fournis par un autre organisme, ne constitue pas le facteur déterminant pour qualifier l'itinérance d'interconnexion au sens de l'article 2 : il doit y avoir une liaison physique et logique entre les deux réseaux. L'itinérance concerne essentiellement la connexion d'un terminal avec le réseau d'un autre opérateur et les arrangements commerciaux signés à cette fin. (...) La transmission de signaux nécessaire pour l'itinérance ne peut pas être considérée comme de l'interconnexion. »

Par conséquent, contrairement à ce qu'expose la société Télé2 France SA, la prestation MVNO demandée par Télé2 France SA, permettant à un opérateur d'utiliser le réseau d'un opérateur mobile en vue de fournir son propre service téléphonique mobile au public, ne peut relever du régime juridique de l'interconnexion au sens de l'article 2 de la directive 97/33 /CE précitée.

III-2. La prestation demandée par la société Télé2 France SA ne constituerait pas un accord d'accès spécial au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications.

L'Autorité relève que les dispositions de la directive 97/33 /CE précitée qui a été adoptée le 30 juin 1997 ne sont pas suffisamment explicites pour permettre expressément de leur rattacher les prestations particulières d'accueil des clients d'un opérateur sur un réseau hôte telles que la prestation qui consiste à accueillir les clients de la société Télé2 France SA sur la partie radio du réseau de la société Orange France.

En effet, l'article 4, paragraphe 2, de cette même directive prévoit que : « les organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications et des services de télécommunications accessibles au public tels qu'ils sont définis à l'annexe I et qui sont puissants sur le marché répondent à toutes les demandes raisonnables de connexion au réseau, notamment l'accès à des points autres que les points de terminaison du réseau offerts à la majorité des utilisateurs finals ».

A contrario, les dispositions de la nouvelle directive 2002/19 /CE du Parlement et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion, définissent de façon explicite et large la notion d'accès en faisant en particulier une référence expresse et non exclusive à la notion d'itinérance. En effet, l'article 2 de cette même directive définit l'accès comme « la mise à la disposition d'une autre entreprise, dans des conditions bien définies et de manière exclusive ou non exclusive, de ressources et/ou de services en vue de la fourniture de services de communications électroniques. Cela couvre notamment (...) l'accès aux réseaux fixes et mobiles, notamment pour l'itinérance ».

Ainsi, il ressort des dispositions de l'article 2 de la directive 2002/19 /CE précitée que la prestation demandée par la société Télé2 France SA pourra être assimilée à une prestation d'accès.

Toutefois, l'Autorité constate que les dispositions de la directive 2002/19 /CE précitée n'appartiennent pas aujourd'hui au droit positif et n'ont pas encore été transposées dans le code des postes et télécommunications, compte tenu des termes de l'article 18 de cette même directive. En effet, cet article prévoit que : « Les Etats membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et adminstratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 24 juillet 2003. (...) Ils appliquent ces dispositions à partir du 25 juillet 2003 ».

Dans ces conditions, la société Télé2 France SA ne peut pas, dans le cadre du présent règlement de différend, se prévaloir des dispositions de la directive 2002/19 /CE précitée qui ne sont pas applicables à la date de la présente décision.

En outre, aux termes du IV de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications : « Les mêmes exploitants [les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur les listes établies en application des a, b et c du 7° de l'article L. 36-7] assurent, dans les mêmes conditions, un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, (...). Ils répondent également aux demandes justifiées d'accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs. (...). » Par une décision no 2001-1206 en date du 14 décembre 2001, la société Orange France a été désignée, pour l'année 2002, comme opérateur exerçant une influence significative sur le marché de détail de la téléphonie mobile ; Orange France est ainsi inscrite sur la liste établie en c du 7° de l'article L. 36-7 et, à ce titre, est concernée par les dispositions susvisées.

Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, parmi les services de télécommunications tels que définis au 6° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications que la société Télé2 France SA souhaite offrir, figure, à titre principal, la fourniture d'un service téléphonique au public. Il s'ensuit qu'une telle activité relève du service téléphonique au public, au sens du 7° de l'article L. 32 de ce même code.

Or, il résulte des dispositions de l'article L. 34-8 précité que la société Orange France, en tant qu'opérateur figurant sur la liste établie en application du c du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, n'est pas tenue de faire droit à la demande d'accès d'un fournisseur de services de télécommunications au titre de la fourniture d'un service téléphonique au public. Les termes de l'article L. 34-8 précité mentionnent explicitement comme bénéficiaires de l'accès au réseau d'un opérateur figurant sur la liste établie en application du c du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, les utilisateurs et les fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public.

Ainsi, en vertu de l'article L. 34-8 précité, la demande de la société Télé2 France SA ne saurait relever du régime actuel de l'accès et ainsi constituer une demande d'accès spécial, en tant que Télé2 France SA fournit, à titre principal, au travers de cette prestation, le service téléphonique au public.

Dans ces conditions, l'Autorité ne peut pas retenir la qualification d'accès en l'état du droit positif en vigueur, au regard du rapprochement entre, d'une part, les termes généraux de la directive 97/33 susvisée qui, sans être restrictifs, ne comportent aucune indication expresse tendant à établir l'assimilation à l'accès de prestations d'accueil des clients sur un réseau hôte et, d'autre part, les dispositions actuelles de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications, qui excluent que la fourniture du service téléphonique au public puisse se faire au travers d'une prestation d'accès ou d'accès spécial.

Il résulte de tout ce qui précède que la demande de règlement de différend susvisée présentée par la société Télé2 France SA ne saurait être accueillie en application des dispositions précitées de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.


*

* *


A ce stade, l'Autorité souligne que, dans le nouveau cadre juridique qui résultera de la transposition de la directive 2002/19 /CE susvisée, les conditions d'une éventuelle intégration d'activité de type MVNO dans la dynamique du marché du mobile pourront être évaluées en intégrant un ensemble d'éléments qui n'auraient pu l'être en tout état de cause sur la base du dossier dont elle était saisie.

Cette évaluation pourra tirer parti des enseignements issus des anlyses de marchés que l'Autorité aura à entreprendre en application des dispositions de l'article 16 de la directive « cadre » 2002/21/CE du 7 mars 2002.

Elle sera aussi fonction de l'état du développement du multimédia mobile qui vient à peine de s'engager et de son impact sur l'intensité et le renouvellement des formes de la concurrence dans le domaine du mobile, à partir d'un acquis qui doit être préservé et développé.

Elle aura également à tenir compte de la juste conciliation qui doit être opérée, comme le soulignait la Commission dans sa communication du 22 août 1998 relative à l'application des règles de concurence aux accords d'accès, entre le droit d'accès et le droit pour un propriétaire d'exploiter son infrastructure à son propre avantage. Cette considération est d'autant plus importante dans le domaine en cause que les investissements matériels et commerciaux liés à l'évolution du multimédia en général, et au passage à la troisième génération en particulier, sont lourds et s'inscrivent dans un contexte financier difficile.

Il y aura lieu de prendre en considération l'impact technique de l'accueil du MVNO et ses conséquences en termes de capacité et donc d'investissements supplémentaires, qui peuvent varier selon la position des opérateurs hôtes sur le marché considéré.

Enfin, l'observation et l'analyse par tous les acteurs concernés des évolutions du marché devraient permettre de mieux cerner les formes de MVNO les plus susceptibles de jouer un rôle dynamique et créateur de valeur dans le développement de la concurrence. L'Autorité entend suivre attentivement ces évolutions et poursuivre sa réflexion sur ce thème en liaison avec l'ensemble des acteurs,

Décide :


Article 1


La demande de règlement de différend susvisée présentée par la société Télé2 France SA est rejetée.

Article 2


Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Télé2 France SA et Orange France la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi, et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 17 décembre 2002.


Le président,

J.-M. Hubert


[...] passages relevant des secrets protégés par la loi.